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LA CITE RADIEUSE
DE MARSEILLE

Version RTF

par Samia Najjar

Un objet socialement contestable, esthétiquement discutable, un prototype qui devait inspirer de nombreuses réalisations à travers la France mais jamais généralisé.

Cette unité d’habitation, conçue selon le concept du modulor selon lequel l’unité de mesure est la hauteur d’un homme, n’était pour Charles-Edouard Jeanneret, dit Le Corbusier que la première d’un série devant créer des villes d’un type nouveau, des « cités radieuses », harmonieuses et proches de la nature.

« Faite pour des hommes, faite à l’échelle humaine, dans la robustesse des techniques modernes, manifestant la splendeur nouvelle du béton brut, pour mettre les ressources sensationnelles de l’époque au service du foyer » Le Corbusier (dans son discours inaugural de la Cité radieuse)

I. CONDITIONS DE FINANCEMENT ET CONTEXTE DE REALISATION

( NB : tiré de l’émission de France Culture du 15/10/2001)

A la Libération, le Corbusier fut désigné pour dresser les plans de deux villes sinistrées : Saint-Dié (Vosges) et La Pallice (près de La Rochelle). En 1947, on lui permettait de réaliser à Marseille la première unité d’habitation pour « une Cité radieuse ». Mais ces trois commandes devaient se solder par des échecs. Pour Saint-Dié, par exemple, petite ville manufacturière de 10 000 habitants, le Corbusier proposait de regrouper 6000 personnes en quatre unités d’habitation, les 4000 autres étant réparties dans une cité-jardin horizontale. Ces deux projets furent repoussés par les élus locaux. Pour compenser ces échecs, Raoul Dautry et Eugène Claudius-Petit, ministres de la Reconstruction donnent toute la latitude à Le Corbusier pour réaliser un prototype d’unité d’habitation à Marseille, ville à reconstruire.

La cité radieuse de Marseille, cette « maison des hommes, une chartreuse » pour Claudius Petit, fut inaugurée le 14 Octobre 1952, en dépit de critiques nombreuses. Des campagnes de presse très critiques et notamment le journal Le Méridional. Mais aussi des médecins, qui dénonçaient l’insalubrité et le risque de tuberculose. Mais encore des psychiatres et des architectes. On lui reprochait son coût exorbitant. Et pourtant, « cette maison du fada », si contesté est vécue par ses habitants comme un progrès.

II. DESCRIPTION DE L’IMMEUBLE ET DES LOGEMENTS

Sur de formidables pilotis de 7 mètres de haut en béton brut de décoffrage, et derrière une façade de loggias et brise-soleil en éléments de béton préfabriqué, l’unité d’habitation de Marseille dresse ses 18 étages de 56 mètres de hauteur, 320 appartements destinés à recevoir 1800 habitants.

L’immeuble est décrit par ses habitants comme « extraordinaire, impressionnant, génial ». Ce dont ils se souviennent le plus ce sont les immenses jardins, les arbres, la clarté (pas de vis à vis et du soleil pour tous) et les grands couloirs intérieurs, qu’ils appelaient des « rues », où ils pouvaient faire du vélo, laisser les enfants jouer seuls. Ils revendiquent un cadre de vie agréable, facilité par tous les services collectifs : boutiques et commerces, et, sur le toit, une crèche, une école maternelle, un gymnase. Il est prévue ainsi d’offrir aux familles le maximum de confort fonctionnel et tout une série de services communs : c’est une véritable ville dans la ville.

Les appartements sont sur deux niveaux (duplex) et avec double orientation. Ils sont décrits par les habitants comme des « appartements à l’américaine », où il y avait tout ce qu’il fallait. L’appartement comportait des chambres d’enfant éloignées de celle des parents avec un salle de bain propre. Les habitants voyait dans le coin cuisine, une facilité pour les femmes de parler avec leurs maris et leurs enfants, mais cette cuisine sans fenêtre apparaît aussi comme le principal inconvénient.

Le niveau des chambres. On notera la séparation entre chambre des parents et celle des enfants, ainsi que la double exposition

Le Corbusier avait destiné son immeuble à des prolétaires relogés du Vieux-Port, à des employés et agents de maîtrise. Or, en 1954, l’État propriétaire de l’immeuble mit en vente les appartements, les magasins et une partie du toit. L’immeuble de conception communautaire tombe dans l’émiettement de la propriété privée. Seule, l’école maternelle demeurait la propriété de la collectivité. Par la mise en vente, l’occupation des appartements fut détournée de son objectif. Cadres supérieurs et professions libérales habitent aujourd’hui cet immeuble.

En 1986 l’immeuble a été classé monument historique.

III. ARCHITECTURE ET ESTHETIQUE

(NB : tiré de Histoire de la France urbaine)

Synthèse du phalanstère de Fourier et de l’interprétation qu’en a donné l’architecte soviétique Guinzeburg en Union soviétique dans les années 1930, elle symbolise la conception corbusienne de l’habitat collectif.

Esthétiquement, rien de moins rationaliste que cet édifice fonctionnel.

Le traitement du béton brut de décoffrage y relève de la provocation et pourrait faire figure de manifeste anti-fonctionnaliste. Le matériau n’est pas toujours de bonne qualité, abondant en malfaçons. La masse des pilotis n’a pas été calculée en fonction de l’effort mais de l’effet à exercer beaucoup plus volumineux que les lois de la résistance de matériaux ne l’auraient demandé, leur forme n’exprime que la volonté poétique du sculpteur.

Car c’est bien d’une sculpture qu’il s’agit : la partie supérieure de l’édifice avec son jeu d’évidements et de saillies modulés, est à l’échelle de son socle. Son statut d’objet esthétique est confirmé par un usage strident de la couleur pure analogue à celui des peintures de Le Corbusier, non prévue initialement et destiné à nier, les malfaçons du béton.

La cité radieuse de Marseille illustre l’esthétique de cette deuxième partie de la carrière de Le Corbusier et reflète les contradictions qui l’habitent :

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